Fonctionnement des marais salants
Sur l’Île de Ré, les producteurs de sel sont appelés Sauniers.
La récolte du sel a lieu en été, mais constitue l’aboutissement d’une année de travail rythmée par les marées, le climat et les saisons.
Le fonctionnement du marais salant
Le but d’un marais salant est de faire circuler l’eau de mer dans différents bassins pour obtenir des grains de sel…
Le savoir-faire des sauniers a permis de construire un ingénieux système où l’eau de mer avance par gravité et s’évapore naturellement sous l’action conjuguée du soleil et du vent : tous les bassins ont été aménagés « en escalier » pour faciliter la circulation de l’eau de mer
Un marais est toujours constitué de trois parties, construites en « escalier » pour permettre à l’eau de mer de s’écouler par gravité de l’une à l’autre. Ces différentes parties sont le vasais, la métière et le champ de marais.
Suivons le circuit de l’eau !
Tout d’abord : la mer ! L’ensemble des marais salants est alimenté en eau de mer à partir du Fier d’Ars et de la fosse de Loix, via différents chenaux.
Le vasais
Premier bassin du marais salant, le vasais fait office de réservoir d’eau de mer et permet d’alimenter tout le marais pendant la saison de récolte. Chaque marais doit posséder un vasais sans lequel il ne pourrait fonctionner correctement. Un vasais peut cependant alimenter plusieurs marais.
Dans ce vaste bassin, la salinité est proche de celle de l’eau de mer, à savoir en moyenne 35 grammes de sel par litre. La hauteur d’eau y est de 60 cm à 1 m environ.
A la sortie du vasais, selon la météo, nous réglons les débits pour faire entrer l’eau dans le bassin suivant, la métière.
La métière
La deuxième partie du marais salant s’appelle la métière.
Des levées d’argile (les veltes) y sont aménagées pour forcer l’eau à circuler en zig-zag. À la faveur d’une lente circulation, sous l’effet du soleil et du vent, l’évaporation et la concentration commencent. Dans ce bassin, la hauteur d’eau est d’environ 30 cm.
Grâce à des niveaux d’eau constants, la métière est un lieu de nidification privilégié pour plusieurs espèces d’oiseaux : avocettes, échasses, sternes … qui installent leurs nids sur les veltes ou des petits îlots spécialement aménagés grâce aux échanges que nous avons avec la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux).
A la sortie de la métière, l’eau de mer atteint en moyenne 80 grammes de sel par litre. Un deuxième réglage permet aux sauniers de gérer les débits pour faire entrer l’eau dans le champ de marais. Ce réglage s’appelle l’amissaunée, qui signifie « à moitié-salée ».
Le champ de marais
La troisième et dernière partie du marais salant est appelée le champ de marais car c’est là que le sel va être récolté. Le parcours de l’eau de mer est pourtant loin d’être fini.
Dans le champ de marais, on trouve une série de bassins ayant des formes, des dimensions et donc des fonctions différentes. Il y a les surfaces dites d’évaporation (vivres, muants et nourrices) et les surfaces de récoltes (les cristallisoirs ou aires saunantes).
Dans les vivres, l’eau s’évapore et se concentre en cheminant doucement. Sur quelques centaines de mètres, elle passe de 80 grammes à environ 150 grammes de sel par litre. Au fur et à mesure, la végétation se raréfie, signe d’une salinité de plus en plus forte.
Après avoir circulé dans les vivres, l’eau vient alimenter les muants : grands rectangles où l’eau de mer va atteindre une salinité supérieure à 160 grammes de sel par litre. En général, le muant alimente une série de 4 à 8 nourrices.
Les nourrices servent à alimenter quotidiennement les cristallisoirs en eau très salée. Dans ces bassins, l’eau atteint près 220 grammes de sel par litre.
Les derniers bassins du champ de marais sont les cristallisoirs, appelés aires saunantes, petits bassins de 5 m par 5 m, où l’on récolte le gros sel et la fleur de sel.
Là, le circuit de l’eau s’achève enfin. La salinité dépasse 250 grammes par litre, soit dix fois plus qu’au départ ! L’eau de mer est saturée : les grains de sel apparaissent.
Il a fallu cet ingénieux circuit de plusieurs kilomètres pour obtenir du sel et de la fleur de sel !
Etre saunier, c’est donc connaître le secret de l’eau !
Les 4 Saisons du Marais Salant
LE PRINTEMPS
La préparation du marais salant
Monter les marais: nettoyage des bassins. Mise en route du circuit d’eau.
Outil: boguette, rouable.
Vers le mois de Février, les marais sont mis « à l’écourt » : les différentes parties du marais sont mises à vider progressivement. En suivant le circuit de l’eau, nous nettoyons les bassins, un à un, des vivres (premières surfaces d’évaporation) jusqu’aux aires saunantes (cristallisoirs).
Pour nettoyer un bassin, une fois vidé de son eau, nous poussons la vase qui s’est accumulée pendant l’hiver. Cette vase sera utilisée pour refaçonner les chemins d’argile qui se sont dégradés : c’est le « graissage ». Tout ce travail s’effectue à l’aide d’outils traditionnels comme la boguette, le rouable et la lousse à ponter. Une fois qu’un bassin est nettoyé et ses chemins graissés, nous les laissons sécher. Cette opération peut prendre de quelques jours à plusieurs semaines, suivant les conditions météorologiques et la méthode propre à chaque saunier. Et ainsi de suite pour l’ensemble des bassins du champ de marais
Les anciens nous apprennent à être prêts pour le 15 mai !
Entre temps, l’eau de mer a déjà commencé son circuit et s’apprête à donner le premier sel.
L’ÉTÉ
La récolte
Récolte du sel: Tous les deux jours : récolte du gros sel. En fin de journée : cueillette de la fleur de sel.
Outil: simoussi, souvron, lousse à fleur.
Dès le mois de Juin et souvent jusqu’en Septembre, les journées sont exclusivement réservées à la récolte du Gros Sel et à la cueillette de la Fleur de Sel… tant que le beau temps le permet !
Elles s’effectuent toutes deux dans les aires saunantes, mais à des moments et selon des techniques différentes. La récolte du Gros Sel s’effectue le plus souvent le matin : nous utilisons un simoussi, sorte de « râteau sans dent » muni d’une longue perche.
Avec le simoussi, nous poussons l’eau qui entraîne les grains de gros sel, puis nous tirons le sel à nous jusqu’à former un tas dans l’eau. Ensuite, avec le souvron, nous hissons le sel sur le chemin pour former des petites pyramides , caractéristiques de nos marais salants. Nous récoltons environ 40kg de Gros Sel tous les deux jours dans une aire saunante !
La Fleur de Sel est cueillie à la surface de l’eau avec une lousse à fleur, en fin d’après-midi. Beaucoup plus rare que le Gros Sel, chaque soir, lorsqu’il y en a, nous cueillons 1 à 3 kg de Fleur de Sel par aire saunante.
Durant tout l’été, notre récolte de Gros Sel est amassée sur la bosse, en attente de la fin de saison où nous organisons la rentrée du sel. La Fleur de sel, quant à elle, une fois récoltée, séchée au soleil, est livrée au fur et à mesure à la Coopérative en vue de son stockage.
Pour le Gros Sel de l’île de Ré, notre production moyenne par été est d’environ 2 500 tonnes et 150 tonnes de fleur de sel.
Mais cela peut varier du simple au double selon les conditions météorologiques : certaines années pluvieuses (2007, nous n’avons livré que 160 T de Gros Sel!), certaines années de sécheresse nous avons livré près de 4 000T (comme en 2003 ou en 2018).
Etre en Coopérative nous permet de « gérer nos stocks » : conserver 3 ans de stock nous permet de palier les mauvaises saisons !
L’AUTOMNE
Les rentrées de sel
Repos, Travaux d’aménagements des marais salants. Rangement des outils
Outil: boguette, ferrée, pelle charentaise.
En Septembre, nous nous organisons en équipe pour rentrer le sel à la Coopérative. C’est le charroi. Sont mis en commun tracteurs et remorques, nous passons chez chacun des sauniers chercher la récolte et la livrer à la Coopérative.
Là, le Gros Sel sera pesé, contrôlé, stocké par millésime… Pour nous, c’est important d’avoir au moins 3 ans de stock de sel : il ne s’altère pas et nous permet de palier les mauvaises saisons !
Le charroi marque un temps important du métier de saunier : une fois le sel livré, il est synonyme d’un repos bien mérité et représente un moment fort de convivialité.
L’HIVER
Repos du saunier et travaux dans les marais
Repos du saunier : le marais est « noyé » sous une épaisseur d’eau de mer qui va le protéger du gel et des intempéries jusqu’au printemps suivant.
L’hiver est la période de repos pour les sauniers mais surtout pour les marais salants. Ils passent ainsi plusieurs mois recouverts d’eau (pour les protéger des intempéries).
Cependant, nous profitons des mois d’hiver pour continuer la remise en état de nos marais. En effet, lorsqu’un jeune saunier reprend un marais salant inexploité depuis longtemps, des travaux de restauration sont nécessaires. Et cela peut prendre plusieurs hivers : Il faut remettre le fond des bassins de niveau en enlevant une épaisseur d’argile (le décabossage) et reconstruire toutes les petites levées d’argile. Pour cela, nous utilisons une boguette, une pelle en bois spécifique à l’île de Ré.
Toujours dans notre esprit de partage, nous organisons des chantiers collectifs de remise en état : A ces occasions, plusieurs générations de sauniers se côtoient, favorisant ainsi la transmission du savoir-faire, si important dans le métier de saunier.