Les marais salants sont bien plus que de simples étendues d’eau salée. Ils sont le fruit d’une ingénierie naturelle et humaine millénaire, où chaque bassin joue un rôle précis dans la transformation de l’eau de mer en sel cristallisé. À travers le Champ de Marais, un véritable labyrinthe aquatique, l’eau suit un cheminement complexe, passant par différents bassins avant de livrer son trésor : le sel.
Plongeons au cœur de ce processus fascinant en découvrant les quatre principaux bassins qui rythment la vie du marais salant : Les Vivres, Le Muant, Les Nourrices et Les Aires Saunantes.
Les Vivres : Le point de départ du voyage
Les Vivres constituent les premières réserves d’eau du marais salant. Ce sont les bassins d’accueil où l’eau de mer amorce son processus de concentration en sel. En contact direct avec l’environnement, ces bassins permettent une première évaporation naturelle sous l’action du soleil et du vent.
Parmi les Vivres, deux bassins se distinguent :
- Le Vasais : Un bassin de décantation où les impuretés lourdes se déposent avant que l’eau ne poursuive son parcours.
- Les Métières : Ces bassins assurent une première concentration saline tout en régulant la température de l’eau.
À savoir : Dans le langage courant, le terme Vivres désigne souvent l’ensemble des bassins situés en amont des Muants, jouant un rôle clé dans la gestion des flux d’eau à travers le marais.
Le Muant : La métamorphose de l’eau
Après les Vivres, l’eau progresse vers le Muant, un bassin rectangulaire situé au cœur du Champ de Marais. Ici, le processus de concentration s’intensifie considérablement. Sous l’effet combiné du soleil et du vent, l’évaporation accélère, faisant grimper la salinité de l’eau à plus de 160 grammes de sel par litre.
L’origine du nom Muant pourrait venir de cette transformation chimique de l’eau qui, en se concentrant, “mue” vers un état de plus en plus saturé. Ce bassin joue un rôle crucial, car il conditionne la qualité du sel qui sera récolté par la suite.
Le saviez-vous ? Le Muant agit comme une véritable “couveuse” pour les cristaux de sel qui commencent à se former lentement dans l’eau saturée.
Les Nourrices : Le cœur du système
Le voyage de l’eau la conduit ensuite aux Nourrices, des bassins qui servent de réservoirs d’eau hautement concentrée pour alimenter les aires saunantes.
Ici, la salinité atteint des niveaux impressionnants, frôlant les 220 grammes de sel par litre. Ce degré de concentration est essentiel pour préparer l’eau à la cristallisation finale. Les Nourrices jouent donc un rôle d’équilibre : elles libèrent progressivement l’eau vers les aires saunantes, en fonction des conditions météorologiques et des besoins du saunier.
Pourquoi “Nourrices” ? Parce qu’elles nourrissent littéralement les aires saunantes en eau salée, régulant l’afflux nécessaire pour une cristallisation optimale.
Les Aires Saunantes : Là où naît le sel
Le parcours s’achève dans les Aires Saunantes, véritables joyaux du marais salant. Ces bassins carrés, appelés carreaux et mesurant environ 5 mètres de côté, sont l’ultime étape où la magie opère : l’eau s’évapore presque totalement, laissant derrière elle des cristaux de sel pur.
Ici, la concentration en sel dépasse les 250 grammes par litre, créant les conditions idéales pour la cristallisation. Durant les étés chauds et peu pluvieux, chaque aire saunante peut produire environ 40 kg de gros sel tous les deux jours, soit jusqu’à 800 kg par saison.
Le saunier récolte alors deux types de sel :
- La Fleur de Sel, qui se forme en surface lors des journées calmes.
- Le Gros Sel Gris, qui se dépose au fond du bassin et est récolté à l’aide du souvron.
Un équilibre entre nature et savoir-faire
Le fonctionnement des marais salants repose sur une gestion fine des flux d’eau et des conditions climatiques. Chaque bassin, du Vasais aux Aires Saunantes, joue un rôle essentiel dans l’obtention d’un sel de qualité.
Ce processus naturel, orchestré par la main experte des sauniers, est le fruit de siècles de traditions et de respect de l’environnement. Les marais salants ne sont pas que des lieux de production : ce sont de véritables écosystèmes où faune, flore et activité humaine cohabitent en parfaite harmonie.